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Alchimie contemporaine
« Faire du neuf avec du vieux » … L’expression est à ce point galvaudée que plus personne ne la prend à sa juste mesure : tout le monde entend « vieux », lorsque c’est « neuf » qui compte. Faire du neuf avec du vieux est un acte alchimique. C’est très compliqué. On prend du plomb rouillé, on le transmute en or étincelant… Velvet Underground, Stooges, Standells, Chocolate Watchband, Billy Childish et autres héros du garage ; Ennio Morricone, John Barry et chansons sixties italiennes ; Can, Neu ! et tous les chevaliers teutoniques du groove motorik, Cramps bien sûr, Nick Cave, Gainsbourg et psyché tonique : Lionel et Marie des Limiñanas connaissent tout cela par cœur, c’est leur catéchisme. Ils s’y abreuvent puis, après malaxation intense et cuisine interne, en font autre chose. « Nous ne donnons pas dans le revivalisme », affirme Lionel derrière sa barbe. D’ailleurs, certains puristes nous accusent déjà d’être des vendus, c’est bon signe ».
Admirés par Primal Scream, Franz Ferdinand, salués par le magazine Mojo… c’est également sous les impulsions du DJ producteur britannique Andrew Weatherall, de l’illustre fondateur du label anglais Rough Trade, Geoff Travis, que The Limiñanas se sont imposés outre-manche, comme le fer de lance le plus cool de la scène rock garage française actuelle.
La preuve avec ce cinquième album -ça ne chôme pas du côté de Perpignan- dynamité ici et là par quelques guests bien de notre temps. Après le premier morceau ouvrant le bal, cette « Ouverture » aux guitares quasi surf, arrive « Le premier jour », dans laquelle Lionel évoque son baptême rock and roll entre punks, mods, skins et Lambrettas du temps de sa jeunesse sudiste. C’est le thème de ce nouveau disque : « Nous aimons bien scénariser nos albums. Celui-ci évoque la vie d’un adolescent qui arrive au lycée et qui parvient à se construire en découvrant le rock au début des années 80, et en rencontrant les bandes de l’époque. Par conséquent, le disque sonne bizarrement un peu comme ceux de l’époque. » Juste après, c’est la secousse sismique de « Istanbul Is Sleepy » : l’Imprimatur d’Anton Newcombe, de Brian Jonestown Massacre, y est tout simplement énorme. Lionel relate cette lumineuse collaboration : « Pendant la promo de l’album précédent, un journaliste nous a lu un tweet d’Anton disant qu’il avait acheté notre disque, qu’il l’adorait, et qu’il aimerait travailler avec nous. Il nous a écrit via Facebook, on n’en revenait pas ! On a évidemment accepté tout de suite. C’est un homme adorable, altruiste, qui n’a cessé de nous aider et nous a même branché avec notre tourneur actuel. On a fait avec lui une reprise des Kinks pour un sampler de Mojo, à distance. Puis il nous expliqué que ça le gonflait de travailler par correspondance et nous nous sommes donc rendus chez lui à Berlin, dans le home studio génial qu’il a installé dans son appartement, avec tout le matos qu’on aime. On a pris l’avion avec toutes nos maquettes, il a appelé son ingé son, Andrea Wright, qui est une super nana de Liverpool qui avait bossé avec les Pale Fountains, Echo & The Bunnymen et Black Sabbath, et on a finalisé tout ça chez Anton en refaisant les batteries de Marie. Tout sonnait à merveille. L’album a été fait en quatre ou cinq mois mais en bossant par ci, par là. En tout, c’est peut-être au maximum trois semaines de travail effectif. »
Arrive ensuite la tornade hyper sexy d’Emmanuelle Seigner sur le morceau qui donne son titre à l’album ; les Limiñanas étaient déjà très fans de son album avec Ultra Orange. Puis, c’est « Dimanche », avec Bertrand Belin, rencontré lors d’un festival, que Lionel voit comme un « Nick Cave français qui écrit des textes ressemblant à des films. Un type génial ». Il a raison… Peter Hook est de retour. « C’est la seule personne à qui on n’ait jamais demandé de collaborer avec nous. » Il était déjà là sur « Malamore » et lamine à nouveau sa basse ici sur le très New Order première période intitulé « The Gift ». Enfin les Limiñanas seuls, envoient une cavalcade instrumentale au beat furieux, comme un Morricone kraut, «Motorizzati Marie » s’enchaînant sur « Pink Flamingos », introduit par des nappes de bandes inversées très psyché donnant le ton d’une chanson vaporeuse baignée d’arpèges acoustiques. Une respiration dans l’album… avant que la fuzz et la basse abyssale de « Trois Bancs » ne secouent violemment les fantômes de Gainsbourg : électrochoc en talk over.
Et pour fermer le ban, un message d’amour : « De la part des copains », son orgue, son tambourin, son tremolo et ses cuivres s’inscrit dans la lignée de ces classiques de musique de films que le groupe aime tant. Une conclusion idéale pour ce sans-faute inouï.
L’épiphanie rock and roll continue donc. Elle appartient désormais à ceux qui écouteront -fort- « Shadow People » et voudront sans doute, à leur tour, brancher une guitare dans un amplificateur. A lampes bien sûr…
Nicolas Ungemuth
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